Boycottons le foot et la Fifa !

Publié le par Le blog de la Gauche Anticapitaliste du Tarn & Garonne

Boycottons le foot et la Fifa !

Coupe du monde de football 2014 et Jeux olympiques de 2016 à Rio : nous avons la certitude que ces deux méga-événements accéléreront la dégradation des conditions de vie de la plupart des Brésiliens et permettront d’enclencher une campagne de dénigrement contre ceux qui s’y opposeront. Et ils sont nombreux à protester contre le Mondial de football aux cris de : «Fifa Go Home !» ; «Nous voulons des trains, des bus, des bateaux et des hôpitaux dans les standards de la Fifa». Un Mondial qui risque donc d’aggraver la crise socio-économique de ce pays.

Une grande partie de la population brésilienne a, en effet, bien compris que les investissements délirants dans les douze stades, selon les standards draconiens de la Fifa, sont totalement déplacés dans un pays qui subit les contrecoups de la crise internationale. On parle déjà d’éléphants blancs pour ces stades dont la construction ou la rénovation est très malvenue dans le contexte de paupérisation relative de fractions importantes de la population.

Evénement considérable et inouï, le Parlement brésilien a voté en juin 2012 la «Lei Geral da Copa» («loi générale de la Coupe») sous la dictée de la Fifa. Cette loi impose des jours fériés aux villes hôtes lors des matchs de l’équipe du Brésil, diminue le nombre de places dans les stades et augmente leur prix pour le public populaire. En revanche, elle autorise les boissons alcoolisées pour préserver le juteux contrat de la Fédération internationale avec la multinationale Anheuser-Busch, fabricant de la bière Budweiser, l’un des principaux sponsors de la compétition.

La loi générale de la Coupe exempte aussi d’impôts et de charges fiscales les entreprises travaillant pour cette organisation, interdit (article 11) la vente de toute marchandise dans les «lieux de compétition officielle, dans leur entourage immédiat et leurs voies d’accès principales» et pénalise (article 23) les bars qui tentent de retransmettre les matchs ou qui font la promotion de certaines marques. Elle considère, enfin, comme crime fédéral toute atteinte à l’image de la Fifa ou à ses sponsors ainsi que les publicités dites «d’embuscade» ou «d’intrusion» qui utiliseraient, sans autorisation, toute image reliée à la compétition et au football en général.

Boycottons le foot et la Fifa !

Non seulement l’emprise de la Fifa sur l’organisation est totale mais elle s’exerce aussi sur le gouvernement brésilien et sur les Brésiliens eux-mêmes qui manifestent trop bruyamment aux yeux de Sepp Blatter, Jérôme Valcke, secrétaire général, ou encore Michel Platini, l’un des vice-présidents de la Fifa, qui souhaite que cessent les manifestations («calmez-vous !»). Autrement dit, la souveraineté d’un pays de 200 millions d’habitants est mise à mal par une bande de marchands d’illusions installés dans une Suisse qui les protège par le biais de la forme juridique de la Fifa, organisation internationale non gouvernementale (association à but non lucratif de droit helvétique, inscrite au registre du commerce au sens des articles 60 et suivants du code civil suisse). De fait, la Fifa brasse des milliards d’euros et exerce sa puissance financière et idéologique dans une totale opacité.

Les principaux membres de son comité exécutif émargent à plus d’un million d’euros par an et ce ne sont de la part de ces personnages qu’une série de propos humiliants à l’égard des Brésiliens. On leur demande de «se botter les fesses» sur les chantiers des stades ; on affirme préférer organiser des compétitions avec des dictatures plutôt qu’avec des démocraties, pendant que Sepp Blatter déplore que la Coupe se soit «politisée» (la bande-annonce de BeIn Sports, le réseau de télévision qatarie, pour la Coupe du monde est claire et subtile : «Oublie la politique»). Bref, les têtes «pensantes» de la Fifa et ses sbires voudraient mettre au pas la population brésilienne avec l’appui du gouvernement sous le régime d’un football devenu une véritable puissance politique. Quelle est la légitimité de ces individus non élus et qui se cooptent dans des assemblées tenues à huis clos et à la gestion totalement opaque. Quelle est la légitimité de la Fifa, dirigée par un comité exécutif de 25 hommes d’affaires (aucune femme) qui impose sa vision du monde à tout un peuple ? Comment la Fifa peut-elle se substituer aux instances, élues et représentatives du Brésil ?

Dans un pays où l’opium sportif, la narcose footballistique sont si prégnants, où l’adhésion au football est proche d’une forme de religion, et où les stades sont considérés comme des temples, nombre de Brésiliens commencent pourtant à ne plus accepter d’en être les ouailles consentantes. Nous le disons avec fermeté : jamais le football ne sera une forme d’émancipation et son boycott, au Brésil comme ailleurs, devient une nécessité.

Michel CAILLAT Economiste, Pierre GUERLAIN Américaniste, Marc PERELMAN Esthétique philosophique, Antonin KOSIK Philosophe (République tchèque), Patrick VASSORT Sociologue, Valério ARCARY Historien (Brésil), Tilo SCHABERT Philosophe (Allemagne= et Charles-André UDRY Economiste (Suisse).

Tribune parue dans Libération du 10 juin 2014.

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